mercredi 23 mai 2012

Egar Allan Poe - Histoires extraordinaires et Nouvelles Histoires extraordinaires

Volume traduit par Baudelaire. Le poème liminaire n'est pas rimé, comporte des italiques et ne tient pas compte de l'égalité syllabique entre les vers.
En songeant au poème Famille maudite sous-titré "d'Edgar Poe", je relève la mention "dès longtemps" dans cette traduction par Baudelaire d'un poème de Poe. Le poème de Poe est d'une galanterie assez douteuse et ne correspond pas aux thèmes et enjeux de Famille maudite, il y a tout de même un rapport ciel-Terre avec mention des Anges et un questionnement de ce que c'est qu'une "mère".

Edgar Poe est connu pour avoir inventé le roman policier avec trois histoires du chevalier Dupin, deux de ses histoires sont proposées par Baudelaire en tête de ce volume : Double assassinat dans la rue Morgue et La Lettre volée.
Je remarque toutefois que le roman inachevé de Schiller Le Visionnaire comporte un long moment policier précurseur, en n'oubliant pas que le fantastique des contes de Poe est inévitablement redevable aux romantiques allemands grands pourvoyeurs de contes fantastiques.

Double assassinat dans la rue Morgue

L'histoire policière de la nouvelle de Poe est en soi complètement bidon et inintéressante au possible. Ce qu'il y a de réellement intéressant c'est la poigne intellectuelle avec laquelle il raisonne au début sur ce que sont les facultés analytiques, opposant au passage le mérite supérieur des dames au jeu d'échecs.
Un autre passage intéressant qui a le mérite en plus d'un certain naturel, c'est quand Dupin montre comment il a fait pour savoir où en était son ami, le narrateur, dans ses pensées, puisque Dupin s'est permis de répondre à une question que le narrateur se posait seulement en lui-même.
Conan Doyle imitera inévitablement ce passage dans ces discussions entre Sherlock Holmes et le docteur Watson, mais en surenchérissant dans les considérations techniques minutieuses. Le passage de Poe est plus naturel, plus persuasif.
Entre Poe et Conan Doyle, il y a eu l'auteur français Gaboriau qui a contribué à l'émergence du genre du roman policier, mais je ne l'ai jamais lu.
Hélas, l'enquête sur l'assassinat est complètement bidon. Une série de témoignages de gens de diverses nationalités n'identifient pas la langue parlée par l'une des deux voix jaillissant de la scène du meurtre. Il faut accepter de trouver intelligent le raisonnement de Dupin qui, de manière prévisible, dit "cette voix est étrangère à tout nation, ce n'est pas celle d'un homme." Minable! En plus, il mange le morceau en n'arrêtant pas d'indiquer que le meurtrier est un animal, jusqu'à l'emploi d'italiques pour l'adjectif "bestiale". La plupart des lecteurs attentifs savent dès lors à quoi s'attendre.
L'action meurtrière de l'orang-outang est alors précisée dans sa manière incongrue pour satisfaire à la découverte macabre incongrue qui lance l'histoire. Décevant!

La Lettre volée

Le récit policier est cette fois beaucoup plus réussi et la leçon à en tirer est réelle, sensible. La moquerie de Dupin envers le préfet est savoureuse à la première lecture et rétrospectivement. Il y a bien quelque longueur dans les explication arides du préfet sur les perquisitions, mais tout cela participe d'une belle tension d'esprit quand Dupin persécute le narrateur en lui faisant comprend que cette affaire est trop simple pour le préfet et en-dehors de son domaine de compétences. Le préfet a été parfait dans son domaine de compétences, mais le narrateur s'impatiente car il ne comprend pas ce que n'a pas songé à faire le préfet. Même quand on connaît depuis longtemps le fin mot de l'énigme, cette tension est chouette à relire.
Il y a aussi une très bonne étude sur la singerie physionomique et sur l'étagement des réactions tactiques de l'humanité courante stratifiée en couches d'imbéciles, de gens à petit jugement, etc. L'analyse reste sommaire et partant susceptible de contre-exemples faciles, mais ça a de la portée.
Pourtant, le récit n'est pas sans faiblesse. Ce à quoi le préfet n'a pas songé, ce n'est finalement rien d'autre que le maquillage d'un document. Poe évite habilement de divulguer la réelle faiblesse de son récit. La plupart des lecteurs se sentent charmés d'apprendre que la lettre n'était pas cachée et croient tenir là l'astuce suprême. C'est une conviction bonne pour un lecteur, pas pour la réalité. Je me garderais bien de crier "Au génie!" à la lecture de La Lettre volée.
Un tour pas mal. Le préfet parle de la lettre, puis s'en va et revient au bout d'un mois. Il relance Dupin dont on peut se dire qu'il n'a pas réagi, l'affaire ne semblant pas l'intéresser. Pas du tout, il s'est emparé du document et n'a fait qu'attendre le retour du préfet. C'est un bon point côté création.
Un contrepoint amusant! Le préfet abuse du cant diplomatique et met en difficulté le narrateur qui s'impatiente, dit qu'il ne comprend pas. Mais, Dupin enchaîne en disant qu'il ne comprend toujours pas lui-même après une seconde explication en cant diplomatique, et le préfet réagit avec une formule qui passe discrètement dans la traduction en tout cas mais qui indique "allons donc, vous Dupin, vous ne comprenez pas!" C'est un des plus beaux passages finalement.
Pour mes recherches rimbaldiennes, pas facile de trouver des traces d'influences sur Rimbaud. J'ai juste relevé (comme éventuel) le rapprochement entre Veillées II et les "tourbillons frisés de fumée" qui occupent l'esprit et l'atmosphère au début de la nouvelle.

Le Scarabée d'or

Bidon d'un bout à l'autre, ratage monumental. En plus, le code chiffré est non seulement bidon, mais en plus il est livré puis expliqué dans toute sa sottise, sans laisser le temps d'une emprise sur le lecteur, sans doute parce que beaucoup aurait eu le temps d'élever la fausse difficulté du code.
Décevant de part en part.

Le canard au ballon

Lire canular. C'est court, cela se lit. Les détails techniques pleuvent. Mais bon c'est sans plus.

Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall

En lien avec le précédent, on songe à Jules Verne Cinq semaines en ballon.
Le récit est cette fois incohérent et fortement invraisemblable dans ces considérations techniques. Le suspense peut tenir parce qu'on lit en se demandant où l'auteur veut en venir.
La fin de l'histoire a son coup de théâtre, mais la force réside essentiellement dans le problème de meurtre que véhicule toute l'histoire.
Quant à l'ascension Terre-Lune en ballon, son récit en est dérisoire et ennuyeux au possible avec juste une note trouble, celle de l'accident pour le panier des chats.
L'identification erronée de Hans Pfall par le chapeau est prévisible, mais avec un petit jeu astucieux, ce n'est qu'à la fin de l'histoire que les habitants de la Lune sont imposés. Du coup, vient la réponse à une question que le lecteur avait perdu de vue.
Evidemment, je m'entraîne toujours autant à chercher par quel biais trouver un lien entre Rimbaud et Poe. Ici, je songe à l'au-delà du monde et inévitablement au(x) "Bien au-delà..." de Barbare. Cela va quelque peu aussi avec le récit qui suit: Manuscrit trouvé dans une bouteille, en plus d'Arthur Gordon Pym. Je mûris tout cela calmement dans ma tête.

Manuscrit trouvé dans une bouteille

Le récit commence par une citation de Quinault que je ne peux m'empêcher de discuter : "Qui n'a plus qu'un moment à vivre / N'a plus rien à dissimuler." C'est une morale pour quelqu'un qui ne laisse personne après soi.
Le récit est pas mal. Au-delà de son étrangeté qui est sans plus au niveau littéraire, il y a la conception d'un récit de quelqu'un qui introduit finalement au spectacle inénarrable de la mort. On a un avant-goût d'un spectacle de fin de naufrage en mode fantasmatique, mais ça s'interrompt, sachant juste que la mort, le "il sombre", est le mot de la fin.
Les amorces pour un rapprochement avec Rimbaud, j'ai pensé à la présence du terme technique rare "étambot", à proximité de quelques autres mots qui se trouvent aussi dans Mouvement ("énorme", "gouffre" et je ne sais plus quoi d'autre).
Evidemment que posé comme ça ce n'est pas pertinent, mais je travaille dans l'hyper intuitif qui est une voie normale de la création. Les gens sont toujours aussi débiles: ils ne veulent entendre ni parler de réécritures, ni de l'hyper intuitif. Ils ont peur d'être repris parce qu'ils s'avancent à penser que..., tout simplement.
Moi, je garde mes notes de côté. On verra plus tard.

Une descente dans le maelström

Je reviens sur cette nouvelle la prochaine fois, car elle m'intéresse pour certains éléments.

La Vérité sur le cas de M. Valdemar
Révélation magnétique
Souvenirs de M. Auguste Bedloe
Morella

Peu de choses à dire sur ces quatre nouvelles qui me paraissent beaucoup plus faibles et beaucoup moins intéressantes.
Il y a bien un début de nouvelle avec une affirmation méprisante des lois du magnétisme qui peut intéresser l'art de l'écrivain. Valdemar et Révélation magnétique forment à nouveau une paire de nouvelles.
L'histoire de Valdemar a un intérêt particulier tout de même, celle de faire dire en étant d'hypnose "je dormais, maintenant je suis mort" à un corps cadavérique, mort pendant l'hypnose. Là, la nouvelle a eu un projet fort. 
Celle sur Bedloe est terriblement ennuyeuse. Sa fin la rattrape, mais pas des ficelles sans grand intérêt. Une corruption typographique amène ridiculement un effet inattendu, celui du nom retourné. L'histoire ennuyeuse est finalement rattachée à l'histoire d'une autre personne. Bon, d'accord, mais c'est un peu maigre.

Ligeia

J'y reviendrai, car cette nouvelle intéresse fortement la réflexion autour du poème de Rimbaud Famille maudite qui porte la mention "d'Edgar Poe". Cette nouvelle contient un poème de cinq huitains qui se termine par le ver conquérant comme le poème Famille maudite contient cinq fois deux quatrains et se ponctue par la boue. Boue qui rappellerait même les nouvelles magnétiques précédentes du livre de Poe. Pas question de lâcher la piste Ligeia donc.

Metzengerstein

A suivre...

Nouvelles Histoires extraordinaires

Le second volume est plus intéressant que le premier. J'en parle dans pas longtemps, mais juste côté rimbaldien je retiens les éléments suivants. William Wilson n'a pas été sans influence sur Conte de Rimbaud, notamment la fin. Il y a aussi les passages où il est question du labyrinthe de l'âme humaine, etc. Enfin, dans Le Puits et le pendule, un passage me fait tiquer. En perdant l'espérance, le gars devient comme un idiot, ce que j'ai rapproché automatiquement de la prose liminaire d'Une saison en enfer.

A suivre...

samedi 19 mai 2012

Petit classement de Récits fantastiques

I. Romans gothiques :

Horace Walpole - Le Château d'Otrante

Je n'ai pas lu ce roman-là précisément, mais je possède une édition de Contes hiéroglyphiques, je ne m'en rappelle plus bien, mais je sais que je n'aimais pas du tout, auteur qui part un peu trop dans tous les sens dans mon souvenir, oeuvre confuse.

Ann Radcliffe - Les Mystères d'Udolpho

J'ai lu des extraits. D'autres romans encore...

William Thomas Beckford - Vathek (écrit en français)

Je n'ai pas du tout aimé. Je ne saurais plus raconter l'histoire.

Matthew Gregory Lewis - Le Moine

Je ne me rappelle pas trop bien. C'était pas trop mal, mais ça ne m'a pas fasciné.

Jean Potocki - Manuscrit trouvé à Saragosse (écrit en français)

Jamais lu.

Mary Shelley - Frankenstein

Pas mal, mais pourquoi je ne le retrouve plus dans mes bouquins?

Jane Austen - Northanger Abbey

Pas lu cette parodie du roman gothique, mais son roman Emma était pas mal du tout.

Maturin - Melmoth the wanderer

Irlandais d'origine française huguenote. Le premier tiers du roman promet quelque chose de saisissant, mais après ça vire à l'histoire complètement débile. Ratage complet. Balzac, Hugo, Baudelaire étaient admiratifs et Baudelaire prévoyait de le traduire quand il est mort.
J'en ai un autre de Maturin.Fatale vengeance.

II. "Néogothique" : 


Robert Louis Stevenson - L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde

Pas lu, juste L'Île au trésor mais sans y trouver un grand intérêt.


Oscar Wilde - Le Portrait de Dorian Gray

Surestimé, version du pacte faustien.

Bram Stoker - Dracula

Pas lu.