samedi 22 octobre 2011

A propos de Marivaux II.


Pierre et Jacqueline

Dans La Surprise de l'amour, nous voyons se former le couple des maîtres et le couple des valets, mais nous voyons aussi se former sur un plan dramaturgique nettement plus secondaire le couple des paysans Pierre et Jacqueline.
Cas particulier, les personnages secondaires des paysans ouvrent la pièce, nous livrant les premiers éléments de l'exposition. Pierre presse Jacqueline de lui avouer son amour, en exigeant de sa part qu’elle en vienne à sentir qu'elle y perd un peu la raison et qu'elle l'aime de manière exclusive et passionnelle, registres fondamentaux des amours des maîtres chez Marivaux. Pudique, Jacqueline avoue son amour et fait remarquer qu'elle risque plus d'être trompée que l'inverse. Elle fera la même observation devant son maître Lélio. Les paysans disparaissent ensuite du devant de la scène. Ils sont dans les propos de Lélio et de la comtesse comme des prétextes à créer des situations d'échanges toutefois. Tout de même, Jacqueline revient sur scène annoncer à son maître Lélio qu'elle veut son congé, Pierre la trompant avec la fille de Thomas. Cette rupture complique les relations de Lélio et de la comtesse, cette dernière n'étant pas informée du problème. Mais, à la fin de la pièce, les paysans se sont réconciliés et nous avons trois couples.
La pièce se déroulant en l'espace d'une journée au maximum, l'infidélité de Pierre, puis la réconciliation ne sont pas réputées très naturelles, malgré les annonces de Jacqueline qui prédit l'infidélité de Pierre et qui marque nettement qu'elle craint de n'être pas rancunière. Ceci dit, Marivaux a ménagé une solution en partie tacite qui ménage la vraisemblance. En effet, tout propos doit être justifié dans une pièce. Or, après l'entrevue avec Lélio et suite aux propos comiques d'Arlequin, Pierre dont on sait qu'il veut éprouver la valeur des sentiments de Jacqueline doute plus que jamais de son amour et annonce qu'il va trouver moyen de mieux juger de ce qu'il a à faire: "Morguié, tous ces discours me chiffonnont malheur, je varrons ce qui en est par un petit tour d'adresse."
On peut oublier cette phrase en suivant la lecture ou représentation de cette pièce. Mais le critique doit traverser l'œuvre à la recherche de ce qui peut justifier sa présence dans la pièce. Il me semble parfaitement clair que le paysan a fait exprès d'exciter la jalousie de Jacqueline pour mieux juger de l'intensité de ses sentiments, ce qui est typiquement marivaudien, on ne s'en étonnera pas.
Bref la critique n'y a rien compris du tout et aucun marivaudien n’est à l’heure actuelle en mesure de commenter correctement cette pièce, pas plus bien évidemment que les jurys d’agrégation, puisque la comédie a été mise au programme de ce concours il y a peu d’années.
J’ai encore une fois envie de dire : « Bravo ! »

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